2.8.10

Eugène Boudin : Dauville

1.8.10

José-Maria De Heredia

Le Laboureur.

Le semoir, la charrue, un joug, des socs luisants,
La herse, l'aiguillon et la faulx acérée
Qui fauchait en un jour les épis d'une airée,
Et la fourche qui tend la gerbe aux paysans;

Ces outils familiers, aujourd'hui trop pesants,
Le vieux Parmis les voue à l'immortelle Rhée
Par qui le germe éclôt sous la terre sacrée.
Pour lui, sa tâche est faite; il a quatre-vingts ans.

Près d'un siècle, au soleil, sans en être plus riche,
Il a poussé le coutre au travers de la friche;
Ayant vécu sans joie, il vieillit sans remords.

Mais il est las d'avoir tant peiné sur la glèbe
Et songe que peut-être il faudra, chez les morts,
Labourer des champs d'ombre arrosés par l'Érèbe.

Brancusi

Gauguin Trois femmes tahitiennes

30.7.10

Rêve de Rodin

Auguste Rodin, Le baiser.

Rêve de Rodin


Par la porte des enfers
J'ai quitté le monde des vivants.
Et comme un enfant,
Ton monde, j'ai découvert.

De l'age tendre est insouciant
D'une jeune femme au chapeau fleurit,
A celui révolté et violant
Des bourgeois figés dans leurs cris.

J'ai lu tes colères,
Aux patines des bronzes torturés.
J'ai perçu tes tendresses,
Aux courbes des marbres lissés.

Tu fais vibrer ma dualité :
Tes colosses de bronze oxydé,
Tes marbres opulents,
Et tes albâtres opalescents.

J'ai vu ton œuvre,
Et déjà j'ai rêver
De demain, être aveugle
Pour pouvoir y toucher.


Morine.

30.10.05

Séduction Bernard Kapfer

Le chemin creux Jean RICHEPIN

Le chemin creux

Le long d'un chemin creux que nul arbre n'égaie,
Un grand champ de blé mûr, plein de soleil, s'endort,
Et le haut du talus, couronné d'une haie,
Est comme un ruban vert qui tient des cheveux d'or.

De la haie au chemin tombe une pente herbeuse
Que la taupe soulève en sommet inégaux,
Et que les grillons noirs à la chanson verbeuse
Font pétiller de leurs monotones échos.

Passe un insecte bleu vibrant dans la lumière,
Et le lézard s'éveille et file, étincelant,
Et près des flaques d'eau qui luisent dans l'ornière
La grenouille coasse un chant rauque en râlant.

Ce chemin est très loin du bourg et des grand'routes.
Comme il est mal commode, on ne s'y risque pas.
Et du matin au soir les heures passent toutes
Sans qu'on voie un visage ou qu'on entende un pas.

C'est là, le front couvert par une épine blanche,
Au murmure endormeur des champs silencieux,
Sous cette urne de paix dont la liqueur s'épanche
Comme un vin de soleil dans le saphir des cieux,

C'est là que vient le gueux, en bête poursuivie,
Parmi l'âcre senteur des herbes et des blés,
Baigner son corps poudreux et rajeunir sa vie
Dans le repos brûlant de ses sens accablés.

Et quand il dort, le noir vagabond, le maroufle
Aux souliers éculés, aux haillons dégoûtants,
Comme une mère émue et qui retient son souffle
La nature se tait pour qu'il dorme longtemps.

Jean RICHEPIN

29.10.05

Irlande

Veni, vidi, vixi Victor HUGO


J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;

Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête,
J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;
Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour,
Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ;

Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu ;
Puisqu'en cette saison des parfums et des roses,
O ma fille ! j'aspire à l'ombre où tu reposes,
Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.

Je n'ai pas refusé ma tache sur la terre.
Mon sillon ? Le voila. Ma gerbe ? La voici.
J'ai vécu souriant, toujours plus adouci,
Debout, mais incline du cote du mystere.

J'ai fait ce que j'ai pu ; j'ai servi, j'ai veille,
Et j'ai vu bien souvent qu'on riait de ma peine.
Je me suis étonne d'être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé.

Dans ce bagne terrestre où ne s'ouvre aucune aile,
Sans me plaindre, saignant, et tombant sur les mains,
Morne, épuise, raillé par les forçats humains,
J'ai porté mon chainon de la chaine éternelle.

Maintenant, mon regard ne s'ouvre qu'a demi ;
Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;
Je suis plein de stupeur et d'ennui, comme un homme
Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi.

Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,
Répondre a l'envieux dont la bouche me nuit.
O Seigneur, ! ouvrez-moi les portes de la nuit,
Afin que je m'en aille et que je disparaisse !

Feu William Turner

9.10.05

La lettre d'amour Jan Vermerr

8.10.05

Cent mille hommes, cribles d'obus et de mitraille Victor Hugo

Cent mille hommes, cribles d'obus et de mitraille,
Cent mille hommes, couches sur un champ de bataille,
Tombes pour leur pays par leur mort agrandi,
Comme on tombe a Fleurus, comme on tombe a Lodi,
Cent mille ardents soldats, heros et non victimes,
Morts dans un tourbillon d'evenements sublimes,
D'ou prend son vol la fiere et blanche Liberte,
Sont un malheur moins grand pour la societe,
Sont pour l'humanite, qui sur le vrai se fonde,
Une calamite moins haute et moins profonde,
Un coup moins lamentable et moins infortune
Qu'un innocent, - un seul innocent condamne,
-Dont le sang, ruisselant sous un infame glaive,
Fume entre les paves de la place de Greve,
Qu'un juste assassine dans la foret des lois,
Et dont l'ame a le droit d'aller dire a Dieu : Vois !

Victor Hugo

6.10.05

L'Autruche Diego Giacometti

Hurlement Munch

Je ferme les yeux Charles Baudelaire

Je ferme les yeux

Je ferme les yeux et j'ai souvenance
De tes cheveux roux flottant dans le vent,
De ta d?marche souple et provoquante,
De tes hanches qui houlaient en cadence
Les mouvements de ton corps ennivrant,
Et de toute ta personne elegante.

Je ferme les yeux et j'ai souvenir
De ton beau rire franc et saccade,
De ton regard bleute comme l'azur,
De ta bouche qui creait le desir
de te voler l'ivresse d'un baiser,
Et d'humer tes soupirs tel l'air pur.

Je ferme les yeux et vois tel un reve,
Ces moments voluptueux et trop courts,
Que nous avons vecus tous deux ensembles;
Comme douce alcove helas! trop breve,
Comme si le temps en brouillait le jour;
Je ferme les yeux et la mon coeur tremble...

Charles Baudelaire

2.10.05

Les granges Emile Verhaeren

S'elargissaient, la-bas, les granges recouvertes,
Aux murs, d'epais crepis et de blancs badigeons,
Au faite, d'un manteau de pailles et de joncs,
Ou mordaient par endroits les dents des mousses vertes.

De vieux ceps tortueux les ascendaient, alertes,
Luttant d'assauts avec les lierres sauvageons,
Et deux meules flanquaient, ainsi que deux donjons,
Les portes qui baillaient sur les champs, large-ouvertes.

Et par elles,sortait le ronron des moulins,
Rompu par les fleaux frappant l'aire a coups pleins,
Comme un pas de soldats qu'un tambour accompagne

On eut dit que le coeur de la ferme battait,
Dans ce bruit regulier qui baissait et montait,
Et le soir, comme un chant, endormait la campagne.





Emile Verhaeren

Les souliers Van Gogh

Fleur de genet

L'homme, la croise sur la lande chemin faisant
Belle allure et petit trot, chevelure d'or au vent
" Fleur de genet " c'est le nom qu'il lui donne.
Son coeur n'a fait qu'un bond, soudain il frissonne.

Deja, elle est loin, et descend vers la greve.
Lui est reste petrifie seul son regard l'a suivie.
Image de son esprit, ou fantome de ses reves ?
Son corps est lourd, et le froid l'envahit.

La mer fredonne et les goelands rient.
Son coeur saigne, pauvre poete vagabond.
N'a t'il pas devine ? Pourtant c'etait ecrit !
En pays Celte, la reine est "Fleur d'Ajonc"

Menhir qui s'en dedit !

Morine.


1.10.05

Le bateau aux esclaves Turner

Le vin de l'assassin Charles Baudelaire



Ma femme est morte, je suis libre !
Je puis donc boire tout mon soul.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.

Autant qu'un roi je suis heureux ;
L'air est pur, le ciel admirable...
Nous avions un été semblable
Lorsque j'en devins amoureux !

L'horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s'assouvir
D'autant de vin qu'en peut tenir
Son tombeau ; - ce n'est pas peu dire :

Je l'ai jetée au fond d'un puits,
Et j'ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
- Je l'oublierai si je le puis !

Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,

J'implorai d'elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint ! - folle créature !
Nous sommes tous plus ou moins fous !

Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée !
et moi, Je l'aimais trop !voila pourquoi
Je lui dis : Sors de cette vie !

Nul ne peut me comprendre.
Un seul Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
A faire du vin un linceul ?

Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l'été ni l'hiver,
N'a connu l'amour véritable,

Avec ses noirs enchantements
Son cortege infernal d'alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaine et d'ossements !

- Me voila libre et solitaire !
Je serai ce soir ivre mort ;
Alors, sans peur et sans remord,
Je me coucherai sur la terre,

Et je dormirai comme un chien !
Le chariot aux lourdes roues
Charge de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien

Ecraser ma tete coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m'en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table !

Charles Baudelaire

Art et Poesie

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Morine Posted by Picasa