8.10.05

Cent mille hommes, cribles d'obus et de mitraille Victor Hugo

Cent mille hommes, cribles d'obus et de mitraille,
Cent mille hommes, couches sur un champ de bataille,
Tombes pour leur pays par leur mort agrandi,
Comme on tombe a Fleurus, comme on tombe a Lodi,
Cent mille ardents soldats, heros et non victimes,
Morts dans un tourbillon d'evenements sublimes,
D'ou prend son vol la fiere et blanche Liberte,
Sont un malheur moins grand pour la societe,
Sont pour l'humanite, qui sur le vrai se fonde,
Une calamite moins haute et moins profonde,
Un coup moins lamentable et moins infortune
Qu'un innocent, - un seul innocent condamne,
-Dont le sang, ruisselant sous un infame glaive,
Fume entre les paves de la place de Greve,
Qu'un juste assassine dans la foret des lois,
Et dont l'ame a le droit d'aller dire a Dieu : Vois !

Victor Hugo